Alors que plusieurs projets de maisons de retraite ouvertes à la
communauté LGBT+ (lesbienne, gay, bisexuel, transsexuel et les autres)
se développent partout dans le monde, le sujet reste tabou en France.
Stéphane Sauvé veut pallier ce manque. Ancien directeur d’EHPAD, il est à
l’origine de « Rainbold society », fondation qui se mobilise pour la
qualité de vie et l’inclusion sociale des seniors LGBT+. Estimant qu’il
n’y a pas assez de réponses adaptées, il a pour projet d’ouvrir une
maison de retraite dédiée en France.
Les LGBT sous-représentés dans les EHPAD Français
La
communauté senior LGBT+ est en effet sous-représentée dans les
établissements d’accueil pour personnes âgées. Elles craignent d’être
victimes de discrimination de la part du personnel soignant mais
également des autres résidents. Par peur du jugement, elles refusent
d’exprimer clairement leur orientation sexuelle, entraînant un isolement
et une impossibilité de parler de sa vie, de ses émotions, de son
histoire. Rappelons qu’il faut attendre 1990 pour que l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) retire l’homosexualité de la liste des
maladies mentales. Les seniors résidant en maison de retraite peuvent
alors s’enfermer dans la dissimulation, voire le mensonge. Ils font
également face à un problème de ressources puisque beaucoup sont seuls,
sans enfants pour assurer financièrement leur prise en charge, rendant
l’accès à ces établissements beaucoup plus difficile.
Un parcours semé d’embûches
Face
à ce problème récurrent et grandissant, certains acteurs tentent d’agir
sur le territoire français. En 2013, déjà, une société britannique a
souhaité implanter un village réservé aux seniors homosexuels dans la
commune de Sallèles-d’Aude… Cinq ans plus tard, le projet n’a jamais vu
le jour. La même année, la ministre déléguée aux personnes âgées,
Michèle Delaunay, publie un rapport sur «Le vieillissement des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et vivant avec le VIH».
Parmi ses 23 propositions, figure la construction de maisons de
retraite « gay friendly ». Malgré quelques améliorations, les
propositions furent vites oubliées… Les collectifs Basiliade et
GreyPride tentent eux aussi de se faire entendre sur le sujet. De son
côté, Anne Hidalgo, maire de Paris, a annoncé en juin 2018 la mise en
place du label «GreyPride Bienvenue» avec, pour objectif, de faire
signer aux EHPAD de Paris une charte pour qu’ils forment leurs employés
aux soins des personnes LGBT. Stéphane Sauvé reste réaliste : «De
nombreuses personnes ne prédisent aucun avenir à notre projet.
Honnêtement, je serais ravi de ne pas y arriver, ça prouverait que
l’homophobie n’existe plus !». L’objectif de l’association est donc « d’améliorer
la qualité de vie des seniors LGBT+, lutter contre l’isolement social
et affectif, favoriser l’inclusion sociale, promouvoir une image
positive du vieillissement, quel que soit le genre et/ou l’orientation
sexuelle. ».
Des initiatives dans le monde
La
France a du retard à rattraper. En effet, il existe déjà des structures
de ce type en Suède, aux Pays-Bas et en Espagne notamment. Aux
États-Unis, deux nouvelles maisons de retraite LGTB+ sont en
construction à Brooklyn et dans le Bronx (New York), qui devraient
ouvrir leurs portes en 2019. Le choix des résidents n’est pas basé sur
l’orientation sexuelle, mais les activités sociales et culturelles
proposées sont dédiées à la communauté LGBT. Le mot de la fin à Francis
Carrier, fondateur de l’association française Grey Pride, qui se heurte
constamment aux accusations de «communautarisme» : « On passe toute sa vie avec des personnes qu’on a choisies. Pourquoi faudrait-il que cela change une fois qu’on est vieux ? ».
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